Il y a 20 ans, lorsqu’on changeait de dentiste, on changeait de dentiste. On ne conservait de son précédent docteur que la mémoire de ce qu’il voulait bien nous dire, ou ce que nous avions compris. Changer de dentiste, c’était prendre le risque de perdre cette connaissance que votre praticien avait mis plusieurs années à construire. D’ailleurs, avant, on ne changeait pas de dentiste.
Aujourd’hui, il gère tout sur son ordinateur : la cartographie de vos dents, l’historique des opérations, le type d’amalgame. Tout cela est stocké, conservé, archivé. Autant d’informations structurantes sur l’histoire de votre vie dentaire. Dans notre monde numérique, changer de dentiste, c’est aussi migrer ses données pour que le nouveau possède la connaissance acquise par l’ancien.
Ce processus de transfert de la connaissance s’appelle la portabilité des données
C’est un sujet plein d’avenir, et le nombre de start-up à la recherche de pratiques innovantes en est une des preuves. Par exemple, conserver vos playlists lorsque vous passez de Spotify à Deezer, vos historiques de dépenses lorsque vous changez de banque, ou les notes de vos enfants lorsqu’ils entreront en études supérieures. Dans tous ces cas, nous sommes face à une situation de portabilité de vos données personnelles, qui embarquent de la connaissance sur vous.
Dans un avenir pas si lointain, après avoir appris à gérer nos mots de passe depuis notre téléphone, appris à gérer notre consommation d’eau et d’électricité, à allumer la lumière et fermer les volets, nous apprendrons à piloter la portabilité de nos données personnelles depuis une application mobile.
À l’image de l’application d’une banque, vous disposerez d’une console de gestion de vos données
Vous pourrez connecter des services, accéder à des documents de référence, les transmettre. Ces services existent déjà, on les appelle les PIMS (Personal Information Management Systems) Pour le moment encore restreints à des usages spécifiques, ils vont se développer et se démocratiser dans les prochaines années. Les assureurs et les banquiers commencent à organiser des offres de services innovantes et, ils l’espèrent, lucratives.
En soi, c’est une révolution majeure qui aura des impacts durables sur la société : la mort numérique, l’évolution du droit à l’oubli, l’ouverture des algorithmes ou la traçabilité du consentement pour n’en citer que quelques-uns.
Si certains doutent, retenez deux choses : la portabilité est un droit consacré au sein de l’article 20 du RGPD. C’est donc sous la contrainte juridique que nous allons évoluer vers ces pratiques. Enfin, si comme moi vous n’en pouvez plus des bandeaux cookies lorsque vous arrivez sur un site, la gestion centralisée de la portabilité ouvre la voie pour gérer autrement le consentement des personnes lors de leurs navigations sur internet.
Le consentement étant lui-même une donnée personnelle, nous pourrions très bien utiliser le droit de portabilité pour communiquer nos préférences de confidentialité et nos consentements directement auprès des différents services pour fluidifier notre expérience utilisateur.
David Bessot
Directeur Général