L’état du numérique dans l’administration française vient nous rappeler le plus important : il ne suffit pas de dématérialiser un service pour qu’il soit utilisé. S’il existe une fracture numérique des usagers, il existe une fracture numérique des organisations. Certaines ont la maturité de proposer des services efficients, d’autres sont dans une surenchère technologique sans réelle vision stratégique. Quelques clefs pour comprendre.
L’information en silo génère des services en silo
Ce qui est difficile dans la mise en place de services publics numériques, c’est l’hétérogénéité des centres dans une organisation. Dans une collectivité, une université ou au sein de l’État, de nombreux métiers sont représentés. Dans une ville par exemple, il y en a plus de 150 différents.
Chacun de ces métiers possède son propre centre de gravité. C’est le point de départ de toute dématérialisation : l’informatique cherche à simplifier ce qui est utilisé tous les jours par les agents, à les aider à travailler plus efficacement. À aucun moment, cette informatique n’a été conçue pour s’ouvrir à l’extérieur, être centrée sur autre chose que le cœur de métier.
Or, dans une démarche de service aux usagers, le centre de gravité, c’est l’usager. De son smartphone, il est maître à bord. Il attend de l’administration qu’elle soit aussi simple à utiliser que Google ou Facebook. Un mot de passe unique, du vocabulaire homogène, des services préremplis. Le niveau d’exigence est monté beaucoup plus vite chez l’usager que dans une administration. Cet écart se comble progressivement, mais il restera encore plusieurs années de travail pour y parvenir complètement.
Peut-être un manque d’audace ?
Si remplir un formulaire CERFA vous effraie, alors remplir un formulaire sur le site internet d’une administration aura de quoi vous effrayer encore plus. Pour 20% des Français, l’écran représente une complexité supplémentaire dans la réalisation d’une procédure administrative.
Si l’administration s’est dématérialisée, elle a également dématérialisé toute la complexité de son organisation. Le vocabulaire est hétérogène, les formulaires à rallonge, les pièces justificatives encore trop présentes. Les dispositifs de sécurité en ligne sont pointus, au risque de désorienter. Les failles de sécurité sont issues d’erreurs humaines, elles-mêmes générées par des systèmes complexes à utiliser.
Pour un service public efficace pour tous, nous devons innover, sortir du cadre établi, prendre des risques.
Vers une relation améliorée plutôt que remplacée
Mais peut être que la plus grande erreur de cette transformation, c’est de croire qu’un algorithme peut remplacer un humain sur l’ensemble du processus. Dans cette longue période de transition, nous devons éduquer, former, accompagner les usagers. Les points de contact sont peu nombreux dans le déroulement d’une demande en ligne.
À chaque interaction, nous devons chercher par quel moyen le numérique peut servir la relation, créer la confiance. Développons les messageries instantanées les dispositifs de gestion de relation usagers, créons des robots qui viennent compléter le travail des agents, plutôt que le remplacer.
Il n’est pas rare de constater qu’un usager utilise deux ou trois voies de communication pour le même besoin, créant ainsi des embouteillages numériques et physiques dans le traitement des dossiers. Cherchons les services hybrides, développons le multicanal.
Si la relation entre l’usager et l’administration s’est progressivement dématérialisée, une fracture reste bien présente : celle de l’illettrisme numérique de certaines administrations, avec des conséquences violentes pour les citoyens, souvent désemparés face à cette complexité.
Pour garder l’essentiel :
Il est reproché aux administrations leurs lenteurs en termes de dématérialisation. La structure des systèmes d’information est complexe, et représente un frein à l’efficacité. Elles doivent repenser la relation et chercher à l’augmenter, se centrer sur l’expérience usager.
David BESSOT
Associé du Cabinet Infhotep