Sélectionner une page

Nous le constatons avec la crise de la COVID-19, la culture et le patrimoine sont les parents pauvres de toute organisation, de tout système. Et pourtant, comme l’a dit Winston Churchill : “plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futur”. En effet, le passé éclaire le présent et permet de construire l’avenir. 

Aujourd’hui, nombreuses sont les organisations qui négligent encore leurs archives historiques. Pourtant, ce patrimoine a autant de valeur que le patrimoine financier ou de données d’une entreprise. 

 

Toute entreprise a une identité, un ADN à institutionnaliser 

Se plonger dans son passé, c’est se poser les questions : “qui sommes-nous ?”, “quelles sont nos valeurs ?” “quel est notre héritage ?”. C’est finalement s’interroger sur sa propre identité. Et à quoi bon afficher des valeurs sur son site internet, si on ne les illustre pas par des faits avérés, des anecdotes historiques ? 

Toute entreprise, si jeune soit-elle, a une histoire à raconter : pourquoi a-t-elle été créée ? quelle est l’histoire de son fondateur ou de sa fondatrice ? Pour adopter un storytelling efficace, il est important de maîtriser sa propre histoire. 

Car, l’histoire d’une entreprise peut s’avérer être un véritable élément de différenciation par rapport aux concurrents. Cet héritage, qu’il soit vieux de plusieurs siècles ou de quelques années, permet d’attirer de potentiels investisseurs ou collaborateurs mais aussi de les rassurer. 

Ainsi, les grandes entreprises font fréquemment l’exercice de l’introspection lors d’événements majeurs ou de changements stratégiques ou organisationnels (fusion, anniversaire, changement identitaire, etc.)

Quand un grand groupe industriel comme Saint-Gobain raconte ses 350 années d’histoire au travers d’une exposition virtuelle, c’est un moyen de crédibiliser son activité, de légitimer et d’asseoir son savoir-faire. Son image de marque ne peut qu’en être valorisée et perçue positivement par les autres. 

Attirer des collaborateurs, oui, mais les fidéliser c’est encore mieux. Ici aussi, l’entreprise a tout à gagner en exploitant son patrimoine historique. 

Tout collaborateur a besoin de sens et de participer à une aventure collective. La crise que l’on vit actuellement a accentué cette recherche de sens, de but : “pourquoi et pour quelle entreprise travaille-t-on ?”, “notre travail a-t-il un impact positif sur le monde d’aujourd’hui ?”. La mémoire collective est essentielle pour fédérer une équipe, un collectif et pour attirer des talents dont les valeurs entrent en résonance avec l’histoire de l’entreprise. 

Finalement, partager son histoire et ses valeurs c’est créer du lien avec les hommes et les femmes qui font l’entreprise, c’est les enraciner dans une histoire commune. 

 

Valoriser son patrimoine, c’est aussi préserver son savoir-faire industriel

Le patrimoine d’une entreprise est inestimable car il est double. Au-delà des biens matériels à valoriser tels que les objets, les photographies, les documents, l’organisation a aussi produit, à travers le temps, un capital immatériel. 

Ce capital immatériel, ce sont les connaissances, l’expertise des différents corps de métier. Que devient une entreprise quand son savoir se perd ? 

Les dirigeants et les différents collaborateurs sont une véritable source mémorielle, informationnelle pour l’entreprise. Il est donc vital d’opérer un passage de relais, de transmettre les connaissances d’un collaborateur à un autre et de capitaliser ce savoir-faire industriel. 

Cette transmission des connaissances peut se présenter sous la forme de binôme (on parle dans ce cas de reverse mentoring) entre un collaborateur senior, rompu aux pratiques de l’organisation, et un nouvel arrivant, lui-même fort de connaissances externes à l’entreprise. Ainsi, les liens intergénérationnels seront favorisés, renforcés et les connaissances capitalisées.  

De même, donnons toute son importance aux archives orales ! Allons recueillir les précieux témoignages des anciens ! Elles sont riches d’enseignements et manifestent d’une culture passée, d’un savoir trop facilement oublié et pourtant, si fondateur… 

Et ainsi, ces archives orales iront compléter les écrits qui, aussi importants soient-ils, sont exempts de toute émotion ou subjectivité.

 

Les archives en temps de crise ou comment préparer l’avenir

La COVID-19 a eu l’effet d’un séisme sur le monde entier. Ses impacts sont visibles sur le court terme et on peut facilement les imaginer sur le moyen, voire sur le long terme.

Afin de tirer des enseignements de cette crise, la collecte d’archives est capitale. Elles permettent de documenter les prises de décisions des dirigeants mais aussi de recueillir les témoignages et récits des individus. 

Grâce aux archives de presse et aux recherches menées dans le cadre du projet européen NewsEye, plusieurs analogies ont été établies entre la COVID-19 et la grippe espagnole de 1918. Si un siècle sépare bien les deux crises sanitaires (et un contexte géopolitique et sanitaire diamétralement opposé), les articles et témoignages ont permis de mettre en lumière les mêmes insuffisances mais aussi des dispositifs comparables instaurés pour ralentir la propagation du virus.

Cette étude de cas nous amène une fois de plus à souligner l’importance des archives historiques, de leur collecte à leur valorisation. C’est aux entreprises de s’emparer du sujet en recueillant, aujourd’hui, les informations qui serviront demain.  

Et heureusement, nombreuses sont les initiatives nées pendant le confinement : #memoiredeconfinement sur Twitter, le projet “Mémoire des entreprises au temps de la COVID-19”… 

Finalement, grâce à elles, les archives retrouvent leurs lettres de noblesse et permettront, nous l’espérons, aux générations futures d’anticiper une prochaine crise sanitaire. 

 

 

Pour aller à l’essentiel

Les archives historiques forment un patrimoine inestimable pour toute organisation. Souvent oubliées, elles permettent pourtant à une entreprise de témoigner de sa propre identité, de crédibiliser son activité, son savoir(-faire) et de fédérer ses collaborateurs.
Ce patrimoine n’est pas uniquement matériel et doit aussi se concentrer sur ses archives orales.
Enfin, les archives sont aussi utiles en temps de crise car elles permettent une plus grande anticipation. 

Camille Guyonnet

Camille Guyonnet

Consultante en Gouvernance de l'information