Des Données Et des Territoires : la newsletter consacrée à l’impact du numérique et des données sur le développement des territoires – retrouvez l’essentiel de l’actualité à retenir compilée et mise en perspective par nos consultants, chaque semaine, en moins de 10 minutes.
Dans cette interview, Julien Hautemaniere, consultant au sein d’Infhotep et créateur de cette newsletter #DDET interview Karine Feige
Apidae Tourisme propose aux institutionnels du tourisme une plateforme en mode SAAS pour gérer leurs données touristiques et les exploiter à travers une centaine de services numériques partenaires. La société coopérative dirigée par Karine Feige adresse ses services à 50% des Offices de Tourisme de France, dispose de plus 430 000 données touristiques qui sont utilisées dans près de 3200 projets digitaux.
Bonjour Karine, nous avons beaucoup entendu parlé de GAIA-X ces derniers mois, sans toujours comprendre exactement les objectifs de ce projet. Peux-tu synthétiser ce qu’est GAIA-X et les principaux défis auxquelles cette plateforme doit faire face ?
Bonjour Julien, Gaia-X est un projet lancé par l’Europe dont la finalité est de construire une infrastructure européenne de la donnée.
L’enjeu est de créer des espaces d’échanges sécurisés pour que les entreprises et les gouvernements puissent partager leur données en toute sécurité (respect de la propriété et des usages définis par chaque fournisseur de donnée), de façon fluide (établissement de normes et de technologies pour gérer ces flux de données) et avec un partage équitable de la valeur créée entre toutes les différentes parties prenantes (ce qui nécessite des contrats et des infrastructures pour organiser les flux financiers)
GAIA-X a présenté huit projets pilotes d’espaces de données sectoriels, dont EONA-X sur le secteur de la mobilité et du tourisme, qui compte Apidae comme partenaire.
Peux-tu nous expliquer ce qu’est EONA-X et ce que cela pourrait changer concrètement pour les acteurs touristiques français dans les prochaines années ?
Dans Gaia-X, la mise en place des espaces d’échanges se construit par filières ou thématiques. Ainsi les usages, définis collectivement, se veulent pragmatiques et concrets car ils adressent des besoins marketing et métiers avec des structures qui ont des intérêts partagés.
Concernant Eona-X, il s’agit d’un espace de données qui regroupe des acteurs du transport, nationaux et internationaux, situés sur l’ensemble du territoire (ADP, AF-KLM, Renault, SNCF, AMP, Amadeus).
L’enjeu pour eux est de fluidifier la circulation des données de transport pour faciliter le déplacement de leurs clients. Apidae apporte une complémentarité car il est rare qu’on se déplace sans but. Le tourisme (qu’il soit de loisirs ou d’affaires) est bien souvent le but premier du déplacement.
Avec Apidae, le voyageur, en plus de ses données transports, va donc disposer d’informations géolocalisées sur le « quoi faire » ou « comment dormir », avec de nombreux critères en fonction de son profil (handicaps, composition du groupe, centres d’intérêts …).
Le nombre d’adhérents à l’association est appelé à s’enrichir car on touche rapidement le sujet du dernier km qui est plutôt une affaire de transport urbain ou de transporteurs locaux (compagnies de bus, de taxi…).
Apidae, qui dispose de l’ensemble de l’offre sur les prestataires locaux, apporte également de l’information utile car cette offre, diffuse, est compliquée à identifier et à maintenir à jour.
Je tiens à préciser qu’Apidae n’est pas propriétaire de cette information fournie puisque ce sont ses clients (les institutionnels locaux du tourisme) qui la produisent.
C’est pour cette raison, qu’avant de nous associer à la démarche, nous avons développé notre propre service de consentement, sorti en septembre 2022, pour informer les territoires des usages qui seront faits de leur données s’ils donnent leur consentement et de l’apport en valeur lié à la construction de ces nouveaux services.
Par ailleurs, ces mêmes institutionnels, membres du réseau Apidae, pourront accéder aux données des acteurs de la mobilité pour créer eux aussi leur propres services et enrichir leur offre et le niveau d’attractivité de leur territoire.
Nous avons par ailleurs entendu parler de Themis-X, dont Apidae est également membre, qui vise à construire une infrastructure également sur la thématique du tourisme. Pourquoi deux équipes différentes ?
L’approche entre les 2 équipes ne se situe pas au même moment du parcours client. Dans le premier cas, on est dans la composante mobilité (donc amont), avec de très gros acteurs qui ont un grand volume de données qui apportent de la fluidité dans la façon de se déplacer.
Dans le deuxième cas on entre plutôt par la composante de l’offre touristique, locale et diffuse, avec un objectif de faciliter la vie aux clients qui « consomment » localement le territoire.
Thémis veut ainsi inciter le client à partager ses informations personnelles avec les acteurs locaux (Service Travel Connect), contre l’assurance de se voir proposer des offres « choisies ». Dans les 2 cas il s’agit de développer des mécanisme sécurisés d’échanges de données (données touristiques, données transports, données clients, données de paiement) avec des finalités différentes et complémentaires (se déplacer sur le territoires puis consommer localement).
Pour Apidae , les 2 projets sont totalement en phase avec notre raison d’être : favoriser le partage de l’information touristique et les usages pour développer de l’économie locale et un partage équitable de la valeur créée.
La présence de Google, Amazon ou encore Microsoft dans GAIA-X ont fait beaucoup réagir ces derniers mois (Scaleway a claqué la porte de GAIA-X pour cette raison). Peux-tu nous indiquer si, selon toi, il s’agit d’un vrai sujet ?
Effectivement je pense que c’est un vrai sujet. il est difficile d’exclure qui que ce soit dans une démarche qui se veut collaborative et ouverte. Pour autant, il est essentiel d’avoir un cadre, des règles du jeux (c’est le rôle de Gaia-X).
Ceux qui veulent jouer, gros ou petits, doivent s’y plier. Ces gros acteurs ont une puissance de frappe qui peut nous apporter beaucoup mais pas à n’importe quel prix.
L’approche européenne de Gaia-X est la promesse d’un monde plus respectueux de la propriété d’autrui (à commencer par les données personnelles, ou les données produites par chacun) et qui incite à un partage équitable de la valeur créée (et non appropriée par quelques grand acteurs).
Nous ne devons pas accepter des comportements qui mettraient en cause ces valeurs fondamentales.
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Julien Hautemaniere
Consultant en stratégie numérique