Les transformations numériques des métiers et des processus de l’organisation, l’intégration plus fluide de solutions partenaires, l’extension des chaînes de valeur au-delà du “coeur de métier” vers de nouveaux terrains, couplée à la dynamique d’innovation numérique, à la puissance de calcul et de captation des données, ont pour conséquence la production massive de données. L’entreprise, la collectivité ou un consortium d’entreprises et collectivités, un territoire, sont devenus des écosystèmes producteurs de données.
En adoptant une démarche de capitalisation de leurs données via la mise à disposition par des connecteurs APIs en interne (SI interne) et en externe (SI partenaires), l’organisation franchit un nouveau palier de maturité numérique en valorisant son patrimoine data et donc son patrimoine informationnel (la connaissance résultant de l’analyse des données). Et c’est le sujet que nous pointons dans cet article : la stratégie de création de valeur par la donnée pour valoriser son patrimoine informationnel.
Une gouvernance pour améliorer la qualité et l’utilisation des données
La gestion de la qualité de la donnée vise à consolider le patrimoine de la donnée d’une entreprise ou d’une collectivité, c’est-à-dire à le rendre exploitable : les données sont transformées pour devenir utilisables et réutilisables. Pour que les données puissent servir un usage métier, celles-ci doivent être de qualité exploitable.
Mais toutes les données ne sont pas utiles. Il est nécessaire d’identifier les données dont le métier a besoin pour couvrir ses objectifs. Parmi ces données utiles, il faut s’interroger sur leur provenance : sont-elles propriétaires (données stratégiques, les “golden data”, produites en interne), sont-elles émises par des partenaires ou des fournisseurs de données et donc contractuellement réutilisables ?
La gouvernance de la donnée organise cette double approche complémentaire : identifier les jeux de données à forte valeur ajoutée pour l’organisation et s’assurer qu’elles sont de qualité exploitable, et pouvant circuler dans un écosystème interne et externe qu’il faut qualifier et cibler, voire contractualiser sous forme de partenariats.
Des plateformes de données ouvertes et marchandes des organisations
Avec sa plateforme de données, l’organisation emprunte au modèle de plateforme open data (mise en commun de données sous licence ouverte pour leur réutilisation), notamment dans l’accès à un catalogue selon l’attribution de droits d’accès sur les types de données (données publiques, données diffusables, données confidentielles). Adressant dans un premier temps les usages internes des métiers, les données ouvrent un champ des possibles entre les silos de l’organisation mais aussi à l’externe sur le marché, en termes d’échange, de partage, de partenariat. Et donc de modèle économique de la donnée pour l’entreprise et les collectivités.
La donnée comme actif stratégique
Au-delà des seules données produites par l’organisation, c’est la combinaison de certaines d’entre elles, identifiées comme étant à forte valeur ajoutée, croisées avec celles de partenaires et coopétiteurs qui apportent véritablement de la valeur. Ainsi organisée, distribuée et (ré)utilisée sur des plateformes, la donnée produite par l’organisation devient un actif stratégique.
L’Interopérabilité des données concrétise la valeur du patrimoine
Dans cette perspective stratégique, la notion d’API est un vecteur puissant de valorisation du patrimoine data: elle dote un jeu de données d’une valeur stratégique à la fois transactionnelle, monétisable et utile. Comprendre par là qu’une API n’est pas qu’un connecteur informatique mais aussi une information, c’est-à-dire un jeu de données tout à la fois utile, utilisable et facilement “branchable” au SI d’un partenaire ou d’un fournisseur ou d’un client. L’organisation tire concrètement de la valeur de ce patrimoine via sa panoplie d’APIs : par la valeur d’usage que représente le jeu de données (servir un usage métier) et par l’API comme clé d’accès à cet usage et sa mise à disposition au sein de l’écosystème interne et externe de l’organisation. In fine, tirer de la valeur en facilitant la réutilisation des données.
Gouverner l’interopérabilité dans l’écosystème étendu de l’organisation
L’organisation tire profit de son actif data en contractualisant avec d’autres parties les jeux de données sous la forme packagée d’APIs distribuées sur une plateforme (un “store d’APIs”).Un peu comme si on mettait les données sur étagère en libre-service, gratuitement ou en échange de …au sein d’un écosystème de partenaires, fournisseurs, clients ou coopétiteurs.
On parle de « Design plateform » au sens de la mise en intelligence d’un écosystème stratégique de la donnée dans lequel des ensembles de données peuvent fructifier. Ces patrimoines s’ouvrent les uns aux autres en tant qu’écosystème de partenaires ou coopétiteurs. Les entreprises ou collectivités peuvent ainsi étendre leur chaîne de valeur en associant leurs données facilement et selon les modalités contractuelles auxquelles elles auront consenti ou seront obligées.
Si l’organisation sait produire des données de qualité et à forte valeur ajoutée, elle peut avoir besoin de données qu’elle ne produit pas, que des tiers produisent ou possèdent (courtier de la donnée). Outre les aspects de compliance réglementaire et de montage partenarial, la gouvernance de la donnée doit organiser une “due diligence” de la donnée tierce, en organisant l’audit de la qualité de ces données externes ainsi que leur bonne interopérabilité selon un référentiel standardisé.
Pour Garder l’essentiel :
1) L’entreprise ou la collectivité produisent de la donnée depuis leur écosystème digitalisé. Il faut rendre ces données exploitables.
2) Les organisations doivent être capables de mettre de l’intelligence dans la data et donc de la valeur, quitte à étendre leur chaîne de valeur de la donnée. Il faut cibler les données utiles.
3) Cette double capacité permet à l’organisation de transformer son patrimoine de la donnée en un actif stratégique à la condition de le rendre interopérable via son offre d’API sur son écosystème interne et externe. Il faut porter une vision de l’organisation étendue.
4) La gouvernance de la donnée organise et coordonne trois dimensions :
- l’alignement de la qualité des données internes (données de référence) et données externes nécessaires (I)
- au service de la valeur pour le métier (II)
- et leur circulation au sein de l’écosystème data (III).
François VERRON
Consultant senior, confiance numérique, data et valeur d'usage.